Le Carpe Diem en Haute-Loire

2021

La fin du mois d’août et sa douceur dans les monts du Velay, quand les journées sont encore bien chaudes et que la fraîcheur se fait sentir dans les hauteurs, c’est agréable.  

Pour terminer un mois de vacances au guidon de la Harley présentée dans le JDM n°130, me voilà road captain d’un petit périple jusqu’aux frontières de l’Ardèche.

Beaux paysages, virages et bons moments en visite ou à table sont au menu de ces deux journées qui commencent par la descente de 10 membres du Carpe Diem, dont Gé et Cathy, les as de la co-présidence, Gilles, Paulo et Jo, frères de route népalaise et Jeff, Chantal, Cathy et Serge sans oublier la délicieuse Adeline, ma chère belle-sœur.

La troupe mâconnaise part ainsi au petit matin du local du club, à Charnay les Macon, guidés par Gé qui passera le relais à Jo aux environs de Villefranche sur Saône avant une dernière halte à coté de Montbrison où je prendrai la suite en milieu de matinée, avec au passage des viennoiseries et quelques pâtisseries auvergnates. En montant du Puy vers Montbrison, j’ai pu vérifier que les départementales choisies pour être assez roulantes vu le trajet depuis Macon étaient au standard du Carpe Diem : de beaux paysages assez variés, passant de la plaine de Montbrison aux collines du Forez puis aux bois de sapins et à la montagne du Velay, des virages et de grandes lignes droites pour laisser respirer les machines sur des routes en bon état.

Ce mois de vacances auvergnates m’a permis de faire une reconnaissance quasi-complète du circuit et de goûter aux spécialités, le tiramisu aux myrtilles du Mézenc en est un exemple. J’ai choisi de laisser le temps aux bons moments à passer ensemble car la Haute-Loire, c’est le lieu du temps qui s’écoule tranquillement et une infinité de petites routes au milieu de paysages relaxants. S’assoir à la terrasse d’un café, au restaurant, chez des amis ou discuter au milieu de la route entre voisins et prendre le temps y est un art de vivre et aussi un moyen de se tenir au courant de ce qui se passe dans le pays.


Arrivés à Craponne sur Arzon, haut-lieu de la musique country, nous mettons le cap vers le village assez improbable de Saint-Geneys près Saint-Paulien dont le point de chute, « Chez Martine », restaurant traditionnel et surtout authentique de la région, ne se découvre qu’après avoir suivi le labyrinthe de ruelles au milieu des maisons de pierres noires de ce petit hameau. Le petit parking est pratiquement plein. Normal puisque Martine fait les repas des voyageurs de passage, des ouvriers et des réunions familiales ou associatives.

Elle m’intercepte et me demande de nous garer dans la ruelle de l’autre côté, près d’une petite salle où se célèbrent habituellement les événements familiaux.  

Menu du jour, gouaille de la serveuse dont le fils et le beau-frère sont passionnés de moto, échanges de bons mots et de coordonnées pour rester en contact et le Carpe Diem est remonté à bloc pour aller prendre le café chez Louis et Eugénie, à quelques kilomètres de là.

Louis, mon beau-père, a passé la majeure partie de sa vie à arpenter les routes et même toutes petites routes du Velay pour y livrer du vin et du charbon. Des chemins magnifiques et un régal pour découvrir des coins secrets et une infinité de virages. On imagine ce que ça peut donner en plein hiver et là, les amateurs d’hivernales devraient ronronner de plaisir. Café et petits gâteaux, tour du jardin et anecdotes sur le pays permettent une pause revigorante avant de descendre au Puy en Velay pour une visite de la ville et de la distillerie Pagès.

L’arrivée sur le Puy par Espaly Saint-Marcel, sur la D590, offre une vue panoramique sur la ville en dévoilant ses joyaux. De gauche à droite, le rocher Saint-Michel d’Aiguilhe, du haut de ses 82 mètres, toise le quartier du même nom. Sur sa droite, presque à la même hauteur, la statue de Notre-Dame de France est tournée vers la ville qu’elle protège tandis qu’un peu plus bas, la cathédrale Notre-Dame-du-Puy accueille les pèlerins après une montée héroïque et marque le départ du chemin de Saint-Jacques.

Les rares parkings motos de la ville ne laissant pas assez de place pour accueillir nos 9 motos, nous nous garons dans le moins cher et le plus sûr, sous la place du Breuil. Pour à peine un euro et demi, les montures seront au frais et en sécurité.

Nous partons dans les petites rues pavées du Puy en rejoignant la place du Plot puis les ruelles qui amènent à la place des Tables, ainsi nommée parce que les commerçants du quartier aménageaient la place pour vendre leur marchandise et aussi pour restaurer le chaland et donner des forces aux marcheurs. Cette place offre une vue magnifique sur la cathédrale et monte jusqu’à la rue des pèlerins, matérialisée par une volée de marche qui rend particulièrement méritants ceux qui montent visiter la cathédrale.

Du chœur aux travées nous déambulons dans ce bijou de l’art roman en découvrant au passage la vierge noire, tout juste revenue de la procession rituelle et la « pierre des fièvres », large pierre plate – dolmen pour les plus gaulois – dont la légende indique qu’elles seraient à l’origine de guérisons. Le mystique, voir l’ésotérique, rejoint ici le religieux. Nous redescendons par le chemin des pèlerins et une enfilade de ruelles bordées par des immeubles vénérables pour atteindre le point de vente et de dégustation de la distillerie Pagès. Les amateurs de liqueurs digestives savent qu’elles se déclinent en couleurs jaune ou verte, le plus souvent. C’est le cas de l’Izzara, « l’étoile » en basque, par exemple, ou encore de la Chartreuse.

La couleur est liée à une différence d’ingrédients, du miel, par exemple, et la verveine du Velay n’échappe pas à ces variétés auxquelles s’ajoutent l’Extra enrichie en cognac et la Petite Verveine qui agrémente de ses 18 degrés des cocktails rafraichissants. Les dégustations conviviales s’enchaînent avec modération et la boutique résonne des voix du Carpe Diem sur les comparaisons entre nectars que nos charmantes hôtesses n’hésitent pas à commenter.

Nous ressortons avec de quoi remplir sacoches et top-cases pour aller prendre un verre au bar l’Aviation sur la place du Breuil, repère des motards de la région. Les dégustations, ça donne soif.

Pour terminer cette première journée, nous reprenons la route pour le village de Beaulieu où nous attend Robert et son gîte de groupe, La Galoche, en passant par la route des Gorges de la Loire, une route magnifique. Des courbes s’enchaînent tranquillement et la longue ligne des 9 motos s’étire entre la Loire qui coule paisiblement avec ses coins réputés pour la pêche au coup ou au lancer et la montagne sur laquelle court la voie ferrée qui relie Saint-Etienne au Puy. Pour prolonger un peu l’ambiance, nous prenons le chemin un peu plus long depuis Lavoûte. Pour les amateurs de belles routes, il aurait été possible de remonter encore un peu plus haut avant de redescendre sur le gîte par des routes minuscules qui serpentent autour des « sucs », dômes de basalte en forme de pains de sucre. Mais à chaque jour suffit sa peine et le départ matinal des Charnaysiens appelle plutôt au repos.

Nous franchissons d’un trait le petit pont vintage de Bichaix dont le tablier en taule rappelle l’épreuve de la planche aux détenteurs d’un permis ancien. Au-dessous, la Loire, tranquille ne se trouble même pas.

Une fois installés dans le grand gîte, à Beaulieu, le maître des lieux nous régale de pizzas maisons faites avec brio et dans un four au top comme le fait remarquer Adeline, connaisseuse. Robert est un personnage. Sympathique, enjôleur et affable, il s’occupe si bien de nous qu’il réalise nos pizzas à la demande et nous confie quelques souvenirs émouvants.

La traditionnelle veillée-dégustation se déroule tranquillement dans le gîte où après avoir gouté des vins mystérieux (ou pas), nous prenons une douce Verveine offerte par Eugénie en échangeant nos souvenirs de route. Paulo me confie son envie de rencontrer un moto-club de Haute-Loire dont l’hivernale, en mars de chaque année, est réputée. En récupérant leur adresse mel par Google nous espérons sans trop y croire qu’en leur signalant notre passage dans leur village le lendemain matin, ça pourrait se faire. Pas de réponse.

Levés tranquillement et pas trop tard, nous retrouvons notre hôte pour un excellent petit déjeuner, bien que les pizzas sucrées, une petite blague avec Robert de la veille, ne soient finalement pas au rendez-vous. 

Nos sourires sur la photo de « famille » avant le départ laisseront un agréable souvenir sur la page Facebook du gîte et dans nos mémoires.

Après nos adieux à Robert, nous mettons le cap vers Saint-Julien Chapteuil par de petites routes en pleine campagne et retrouvons une caractéristique des hameaux d’Auvergne : la route principale se perd en arrivant sur une place d’où partent des ruelles et parmi elles, la trace à suivre. Quelques belles portions en lacets et en descente avec une perspective sur les monts qui entoure ce village dynamique où l’on peut s’adonner à la randonnée, à pied ou à vélo, à l’astronomie ou se relaxer dans une auberge « bien-être » au top de la gastronomie locale. Un ravitaillement des motos à Saint-Julien avant de monter à Faÿ (prononcer « failli » sinon c’est pas bon), point de départ de la Route du Pied du Mezenc, coté Ardéchois, moins connue que la route cotée Vellave et nous nous lançons sur la route qui mène au massif du Meygal et au mont Mézenc. 

Point de passage entre le Velay, les pays du Rhône et le Vivarais. Faÿ sur Lignon est un village de montagne qui du haut de ses 1200 mètres abrite chaque année des foires aux chevaux réputées. Ce samedi matin, il fait 7 degrés sur ces magnifiques « Hautes-Terres » et nos blousons d’été sont bientôt complétés par les tenues de pluie pour garder un peu de chaleur. La pause se prolonge au café voisin ou plutôt dans la boutique de salaisons et de souvenirs qui vend aussi du café. Le vent ne s’est pas levé et c’est tant mieux car il vaut mieux éviter La Burle, une bise glaçante capable de bloquer routes et villages l’hiver et qui fait situer le village plutôt au Cap Nord qu’à l’équateur[1].  

La Burle, justement, est le nom du moto club local que nous avions essayé de contacter. Hasard ou coïncidence ou bien le fait que comme les vibrations d’un moteur se transmettent au pilote, les bonnes « vibes » d’un moto-club s’affranchissent des distances pour atteindre un autre, nous sommes abordés par un type sympathique alors que nous finissons nos cafés. Attiré par les motos garées sur le « foirail », il nous accueille avec enthousiasme dans son beau pays, quoiqu’un peu frais, et nous comprenons vite que Claude est membre de la Burle.

[1]  Traversée par le 45ème parallèle nord, Faÿ se situe exactement à la même distance du pôle Nord que de l’Equateur. Non ? Ah si, je t’assure ! C’est écrit sur internet.

Le temps de tirer une chaise pour qu’il s’assoie à notre table et de présenter (on ne dit pas introduire) Paulo et sa passion pour les hivernales et nous voilà parti dans une discussion fraternelle et enflammée comme on aime bien.

Une rencontre espérée et improbable dans un lieu qui l’est tout autant, un temps qui passe sans qu’on s’en rende compte.

Après la promesse de revenir pour l’hivernale de la Burle, en mars prochain, et l’idée de retenir le gîte de Robert comme camp de base, nous remontons sur nos machines pour un tour du Mézenc.

 Celui-ci sera plus long que prévu car, un poil fatigué, mes repères m’ont manqué et deux fausses routes ont permis de découvrir des paysages ardéchois admirables sans allonger le trajet toutefois.

Facétie des services de l’Equipement, les travaux en cours lors du repérage sur une petite portion ont abouti à une couche de cailloux digne d’un ballast de chemin de fer. Cathy « notre Prez » a gouté l’hommage à nos péripéties népalaises où ce type de revêtement est très courant et tout le monde a pu franchir ce passage un peu délicat sans dommage. La route qui borde le point culminant du Velay (1744m) est vraiment très belle et offre une vue imprenable sur les monts d’Ardèche et jusqu’aux Alpes. Le groupe profite de cette très belle route et des paysages magnifiques. De temps en temps, un bolide nous dépasse avec brio pour s’arrêter un peu plus loin. C’est Paulo, notre photographe tout terrain, qui immortalise ces beaux moments et ces lieux superbes.

Nous suivons les contours du Cirque des Boutières coloré habituellement par les toiles des parapentes qui s’élancent de la plate-forme au col du même nom avant de redescendre coté Haute-Loire sur le village des Estables. Pile à l’heure du déjeuner. Les motos sont dotées d’une horloge mais l’estomac du Carpe Diem est particulièrement précis pour gérer les horaires.

Passé le col et sa dernière épingle, nous arrivons sur un plateau et entamons la descente en pente douce jusqu’aux Estables. Quel calme ! les prairies et les petites montagnes doucement arrondies s’étendent jusqu’au Puy. Un paysage de landes qui n’est pas sans rappeler l’Ecosse et ses Highlands. Il ne manque plus que le bœuf Angus, la pinte de bière et le whisky.

Justement, pas d’Angus dans ces beaux pâturages mais le « Fin-Gras du Mézenc », bœuf AOC, très tendre et finement persillé après avoir brouté paisiblement les foins et le fenouil des prés de montagne.  

Il se dégustera à la Table des Maquignons, le restaurant montagnard où nous rejoindront ma délicieuse Cécile, ainsi que Julien et Charlotte sur leur VFR.

Nous reprenons les motos pour repartir vers le Puy avec une courte halte à Laussonne pour faire le plein de salaisons et de fromages de pays à ramener à la maison. On est pas un club d’épicuriens pour rien. Rareté ailleurs, les fromages aux artisons (artisous en patois vellave) produits dans la région intriguent et fleurent bon l’affinage patient par ces petites bêtes.

Nous reprenons la route, en prenant des départementales plus roulantes pour remonter vers la Chaise-Dieu en admirant au passage la forteresse de Polignac et la potence d’Allègre. Gé et Ado nous laissent à Saint-Paulien pour partir s’encanailler du côté du Mont-Dore, dans un lodge décoré de photos du Mustang, impossible d’échapper au Carpe Diem et à son histoire, donc. Une belle traversée et de grandes lignes droites au milieu des sapins nous amène à la Chaise-Dieu où le festival bat son plein.

L’heure avancée nous incite à passer à la dernière étape en rejoignant le Horses & Bikes, un relais pour motards au milieu des bois, à Cistrières, quelques kilomètres plus loin. J’aime le calme et l’ambiance décontractée de ce ranch où les nostalgiques des Free Wheels et les amateurs de custom et de vestes à franges trouvent leur bonheur.

Une dernière Bud ou un jus de fruit avant de reprendre la route et c’est Jeff qui prendra le relais après Craponne pour ramener le groupe à Charnay. Après quelques accolades je repars vers Saint-Paulien où la famille m’attend au gîte, le cœur léger et revigoré par cette belle virée fraternelle et épicurienne dans un pays si attachant. Vivement la prochaine !

 

Dom  Mollard